Anquetil et Kennedy

« La guerre d'Irak, quand était-ce ? » Cette année-là, c'était la cinquième d'Armstrong : c'est 2003 ! Certains d'entre nous savent bien ce que c'est, cette terrible passion du cyclisme, qui parvient à envahir notre conception du temps et des événements de l'histoire du monde au point que des moments de cyclisme deviennent des points de référence dans nos mémoires. Oui, oui, c'est certain, je rattache des années et les événements qui les ont marquées aux courses de vélo légendaires ou ennuyeuses qui ont empreint mon esprit de souvenirs éternels. L'image d'Ullrich en Andorre, qui monte Arcalis comme une moto, ceint des couleurs de l'Allemagne, cette image, eh bien moi, c'est au brevet des collèges que je l'associe, et j'aimerais bien savoir à quoi elle vous fait penser, à vous. LeMond qui brise Fignon sur les Champs, pour le bicentenaire de la Révolution Française : quelques jours plus tôt, je démontais la Bastille sur des airs de Malher dans ma petite maternelle de Martigues.

Il y a quarante ans aujourd'hui un événement d'ampleur planétaire provoquait la stupeur : le vendredi 22 novembre 1963, en pleine crise internationale, John F. Kennedy était assassiné à Dallas, tandis que le Général de Gaulle fêtait son soixante-treizième anniversaire. Le monde craintif vivait dans une certaine appréhension, sourde et confuse pour les uns, étouffante pour les autres, d'une guerre atomique. L'Algérie prenait doucement une liberté sanglante après les accords d'Evian, Piaf et Cocteau endeuillaient le culture francophone, le Pape Jean XXIII s'éteignait… et Jacques Anquetil venait de remporter son quatrième Tour de France.

De tous les Tours victorieux d'Anquetil, le Tour 1963 est peut-être le plus authentique et le plus noble, gagné au panache, malgré la montagne facile à Bahamontés, l'Aigle de Tolède. Pour ma part, je n'y étais pas, et pourrais le regretter. Je n'ai pas connu la crise de Cuba, ni Kennedy criant « ich bin ein Berliner » sur le Mur de Berlin, ni vu Benony Beheyt se permettre l'audace fatale de devenir Champion du monde au nez et à la barbe de son chef Van Looy. Mais mes modestes connaissances en Histoire contemporaine et en Histoire du cyclisme m'obligent à un système de références qui me fait associer tous ces instants. Quand je veux m'imaginer la vie de mon père en ces instants, je vois qu'il pleurait devant Anquetil en priant pour la paix durable dans le monde. Quand je vois Kennedy à la télé, je vois Anquetil au sommet de son talent. Lorsque j'entends parler d'Anquetil, je sens venir l'instant critique de la vie de Kennedy.

Il y a des points de référence comme cela… Le cerveau est ainsi capricieux. Lorsque je voix 63 sur une plaque d'immatriculation, ou quand il me faut retenir un 63 dans un numéro de téléphone, mon esprit associe les deux figures emblématiques ; aujourd'hui, 22 novembre 2003, Anquetil et Kennedy sont présents…

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