Lettre à Marco Pantani et à l'Ordre des choses

Ma conviction est profonde aujourd’hui que ton image, Marco Pantani, m’accompagnera longtemps dans ma vie ; moi la vie j’ai encore la chance d’y être. Toi tu l’as quittée. D’écrire ce que je viens d’écrire, comprends-tu que c’est pour moi comme une aberration ? Est aberrant ce qui s’écarte du type normal, et de l’ordre attendu des choses. L’idée de ta mort (mais que ces mots me sont pénibles…) m’est absurde, insensée : au sens propre, dépourvue de sens. C’est pourquoi cette lettre que je t’adresse, c’est à la fois un mot d’amour et une fusée de détresse envoyée à l’Ordre des Choses.

Parce qu’au matin du 15 février 2004, il y a un an et demi, cher Marco Pantani (je redis ton nom en entier car tu ne soupçonnes pas la dimension qu’il prend à mes oreilles, et dans mon esprit), c’est comme si j’avais eu, au moment d’apprendre que tu nous avais quittés, sur l’écran de mes pensées, le mot suivant : une erreur fatale est survenue dans le système. Et depuis, une partie de moi-même, une partie de mon cerveau, est entièrement tournée vers cet objectif : trouver l’origine de l’erreur. En apprenant ta disparition, j’ai eu un bogue, à ce jour irréversible. Et comme un ordinateur obstiné qui épuise, par pur conditionnement robotisé, le restant de sa vie informatique à vouloir résoudre un problème qui ne trouvera jamais de solution, depuis je cherche l’origine de l’erreur. Et invariablement, le message apparaît, toujours plus actuel : une erreur est survenue…

L’origine de l’erreur ! Je me heurte à ce message, tout comme je me précipiterais sans cesse contre un mur de béton, pour me relever et recommencer. Mon bogue, c’est que je n’étais pas prévu pour apprendre, accepter et assimiler ta mort. Une erreur de conception, un vice de forme, un problème de prévoyance ?


Le 15 février 2004, au petit matin, j’ai raté une marche imaginaire et je la cherche encore. Tu sais, la marche qui n’existe pas, et que ton pied était convaincu de trouver ? Comme le verre vide que tu empoignes en le croyant plein. Cette sensation désagréable que tes sens t’abusent. Cela fait un an et demi que je compose avec cette sensation. J’oppose une résistance inconditionnelle à l’idée de ta mort (ah, ces mots je les hais !). S’il ne subsiste de toi que ton nom et nos souvenirs, alors mon souvenir à moi, celui que j’ai de toi, il est assez fort pour entretenir à lui seul la mémoire de ton passé. Tu t’élevais dans les montagnes, et s’il n’y a rien eu d’autre, en-haut, que la mort pour t’accueillir, sois certain qu’ici-bas, je suis là, pour scander ton nom, le murmurer, le chanter… Ce nom, je l’aime, et pas autant que toi.

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