Antoine Vayer sort du bois : entretien

En 2005, le site Cyclismag (qui a disparu depuis) s'inquiétait de la disparition d'Antoine Vayer ; et le voilà qu'il sortait du bois simultanément sur La Flamme Rouge et sur Vélochronique !

 

Ces deux sites ont collaboré  pour vous proposer un entretien passionnant avec Vayer qui, lorsque vient le temps de parler de ce qui se passe réellement dans le cyclisme, ne s'économise jamais, parle avec verve et sans mâcher ses mots, loin de la langue de bois de nombreux journalistes apparemment plus prompts à préserver l'image du cyclisme qu'à en dénoncer les problèmes criants.

Ancien entraîneur de l'équipe Festina, de Christophe Bassons et de Jérôme Chiotti, Antoine Vayer refuse en effet la solution du dopage ; sur cette question, ses propos sont généralement sans détour. Pour "réinventer le cyclisme", il ne se gêne pas pour décrire ce milieu comme infesté par la tricherie et prend pour arguments ses calculs sur les puissances développées par les cyclistes professionnels, dont certaines des performances lui apparaissent humainement impossibles. On se souvient de ses chroniques acides ou cyniques dans Libération ou L'Humanité. Actuellement Professeur d'Education Physique et Sportive à Laval, Antoine Vayer n'a plus beaucoup parlé depuis un an, si l'on excepte ses chroniques sur l'entraînement dans le mensuel Le Cycle.

C'est donc sur La Flamme Rouge et Vélochronique qu'Antoine Vayer a accepté de reprendre le dialogue public. L'entretien est réparti  sur ces deux sites. Et c'est avec plaisir que nous vous offrons cette bonne dose de sain réalisme, ceci afin de vous permettre de toujours rester lucide sur ce qui se passe réellement dans ce sport qui nous passionne. Bonne lecture !

 

Propos recueillis par Laurent Martel et Raphael Watbled.

 

La Flamme Rouge et Vélochronique : Antoine Vayer, est-ce que vos calculs sur les puissances développées par les coureurs sont remis en cause, ou sont-ils définitivement tenus pour fiables ?

Antoine Vayer : Les travaux sur les puissances ne sont pas nouveaux, ni les miens ni ceux surtout de Frédéric Portoleau (l'ingénieur qui fait les monstrueux calculs exhaustifs indirects par vidéos). Ils n'ont jamais été remis en question. C'est impossible, sauf à vouloir se tirer une balle dans le pied. Car ils sont validés par tous ceux qui s'intéressent à la chose, ne sont pas magiques mais scientifiques et archi connus. On est plus au XIIIe siècle mais pas non plus au XVIIIe, celui des lumières, en cyclisme.

Si le vélo est un sport de valeur relative, on ne devrait pas se ficher de savoir (pour qui prétend être contre le dopage) à quelle vitesse Anquetil et Poulidor ont grimpé le Puy-de-Dôme en 1964, Hinault et LeMond L'Alpe d'Huez en 1986, mais pourquoi et comment (avec quoi) ils en sont arrivés là. Et pourquoi et comment, malgré leurs moyens respectifs utilisés de l'époque, ces derniers sont des juniors en valeur absolue face à des coureurs actuels sortis de nulle part, des ânes devenus chevaux de courses. C'est du calcul physique et mathématique, historique, aussi simple que 1+1=2, (c'est juste un peu plus complexe) que nous avons expliqué dans Pouvez vous gagner le Tour? (NDLR : F. Portoleau et A. Vayer, éditions Polar, 2002).

M'enfin un jour peut-être qu'un "scientiste" d'une revue "spécialisée" finançant une épreuve nous dira que la Terre est plate, vu que certains cols le sont apparemment. Aux États-Unis bientôt peut-être. Lefred-Thouron ou Luz pourront alors se déchaîner pour notre plus grand plaisir. Sauf si nous brûlons avant sur le bûcher. C'est impossible maintenant puisque des gens comme moi "ne tuent plus le vélo" subitement après l'histoire Armstrong et que sont condamnés officiellement ceux qui se taisent plutôt que ceux qui parlent... Voilà bien un retournement de situation pour le moins sympathique et une reconnaissance absolue qui atténue la bassesse des coups reçus ces dernières années. Christophe Bassons apprécie mais n'est pas dupe. En outre cette reconnaissance est faite par certains qui ont donné les coups ! C'est-y pas formidable ? Ou bien il y a une autre urgence: la mort du petit cheval ? A votre avis ?

"Prendre le temps d'aller vite"

La Flamme Rouge et Vélochronique : 490 watts dans une dernière ascension d'une étape du Tour après trois cols : résolument inhumain ?

Antoine Vayer : 410-420 Watts pour un gabarit de 78 kg avec vélo ce l'est déjà ! pour une étape de 3 cols de 1ère catégorie ou hors-catégorie dont le dernier fait plus de 30 minutes d'ascension. Ou bien c'est admettre que la fatigue musculaire et générale est un concept obsolète. Pour les cols plus courts, c'est un peu plus. Pour les cols plus longs et étapes plus dures, c'est moins de 400. Cela dépend aussi des circonstances de course et de la météo. Mais ces fourchettes sont bonnes. 490 Watts ramenés à un gabarit de 78 kg ce n'est pas encore arrivé en fin d'étape. Il y a juste Ullrich en contre-la-montre en côte (Croix de Chaubouret pendant 29'02) qui l'a dépassé (494 watts) en 1997. Cela ne gênait personne à l'époque.

Mais ne désespérons pas, 490 watts cela peut venir puisqu'on fait confiance à l'AMA, "au dessus de tout et de rien ", pour régler le problème... Le vélo, c'est parfois, au vu et au sus de tous, l'équivalent de 100 mètres qui se courent en moins de 9" sans que personne ne cille ni ne bouge d'une oreille. Evidemment un moyen (l'extrapolation des watts) met cela en lumière et mesure. Cela énerve, forcément. Après avoir voué aux gémonies la lutte contre le dopage, la veste s'est retournée mais elle est réversible puisque - vous verrez - c'est la suspicion de dopage, notamment avec ces moyens indirects pour l'heure de détection d'inhumanité, qui sera combattue.

On a dit récemment : « On ne pourra jamais bouter le dopage du sport mais chasser la suspicion, c'est sûrement possible ». Voilà l'objet du nouveau ramdam, la nouvelle plaie à l'image : la suspicion ! C'est en contradiction avec d'autres propos : « Nous ne voulons pas grossir les rangs de ceux qui, par le passé, ont détourné le regard face à ce problème. La seule attitude à adopter contre ce fléau est de le dénoncer sans relâche ». La contradiction c'est de continuer à faire semblant de faire croire que l'AMA va résoudre le problème à échéance des grands évènements sportifs...

On parle dopage l'hiver puis Pantani, Riis sont les sauveurs,  la résurrection du cancéreux, les urines congelées, la jajamania, Virenque le Retour, etc... Voeckler Eau Claire, il faut bien trouver quelque chose l'hiver pour se couvrir l'été plutôt que de prendre le taureau par les cornes comme ce pourrait être fait. Mais cela prendrait du temps et coûterait de l'argent. On se "hâte lentement" plutôt que "prendre le temps d'aller vite". Il est urgent d'attendre.

LFR et VLC : Et le Tour 2005 ? Quel est votre verdict ?

A. Vayer : Année de records encore. De vitesse générale, quoiqu'on en dise sur les circonstances de course et l'état des routes... Premier col du Tour révélateur du niveau d'ensemble :

-    Ballon d'Alsace nord en 22'52" pour un peloton de 50 coureurs à 431 watts emmené par tous les Discovery qui chassent mais ne reprennent aucune seconde à un minuscule coureur irréel (NDLR : Michael Rasmussen) échappé depuis le kilomètre 4 qui roulera plus vite mains en haut du guidon ensuite que deux des meilleurs rouleurs du monde (NDLR : Christophe Moreau et Jens Voigt) qui s'unissent derrière lui sur 50 km de plat face au vent. C'est beau le vélo !
-    Records des montées de Courchevel en 29' et 449 watts avec trois coureurs (NDLR : Valverde, Rasmussen et Mancebo) qui arrivent à suivre le boss (NDLR : Armstrong) pour une performance à moins de 10 watts que celle des plus beaux jours de Pantani!
-    Record Azet Est en 21'25 et 433 watts à plus de 20 km/h.
-    Marie-Blanque Ouest en 17'59 et 428 Watts.
-    Port de Pailhères en 46'16 et 398 Watts au tempo.
-    Et sur le Tour, six coureurs entre 412 et 425 watts de moyenne dans les cols clés de fin d'étape.
-    La montée de Mende à 486 Watts.
-    Et notre Hincapie volant vainqueur d'étape dans la même équipe que le plus grand descendeur du monde, le revenant et récent vainqueur du Giro Savoldelli. Et le record de l'indécence avec les déclarations de Lance}sur le podium du Tour.

LFR et VLC : Y a-t-il selon vous des performances notables en 2005 que l'on peut tenir pour raisonnablement crédibles ?

A. Vayer : Celle que mon fils de 12 ans Titouan a faite sur le Mont Royal à Montréal le 17 juillet en 12'28" et quelques-unes qui n'ont pas vraiment d'importance au regard de celles qui nous préoccupent si on aime le vélo.

"Le cas Heras ne fait que confirmer ce que tout le monde sait"

Cette partie de l'entretien avec Antoine Vayer est disponible ici, sur le site de notre collègue de La Flamme Rouge. Vayer nous y parle du chrono de l'Alpe d'Huez en 2004, de l'augmentation des puissances, de Lance Armstrong...

Extrait : "L'homme naît bon mais limité physiquement. Repousser les qualités humaines par un travail acharné c'est un leurre par rapport à une bonne cure bien dosée pré-compétitive et par rapport à des hormones de croissance où de récupération. C'est désespérant. Le cycliste très motivé et très doué qui se cantonne à s'entraîner parfaitement n'a aucune chance de progresser au-delà de limites dont nous avons déjà parlé et elles sont dépassées depuis bien plus d'une décennie à de multiples occasions !"

"J'assume ce que j'ai fait chez Festina et ça dérange"

La Flamme Rouge et Vélochronique : Antoine Vayer, vous avez entraîné des champions, dont le dopage est aujourd'hui avéré, notamment l'équipe Festina. Avant que la vérité éclate, dans quelle mesure aviez-vous connaissance du système ?

Antoine Vayer : Je n'ai pas entraîné de champions chez Festina à part Bassons. Pour les autres, j'ai entraîné des hommes ou des gamins dont certains individuellement sont des gens très respectables. J'entretiens avec quelques-uns des rapports encore étroits.

Pour les autres, le dopage, les succès et les influences ont pourri les relations ou les ont arrêtées. Je pense à Brochard avec qui jusqu'à fin 97, j'étais très proche sans que nous n'ayons jamais évoqué le moindre produit ensemble, du temps où je le côtoyais en prenant mon scooter pour faire des séances d'entraînement, quand je le rejoignais sur la route du Mans. Avec sa femme, il ne parlait pas non plus de cet aspect "soins". Il a suffi d'aborder le sujet pour rompre les liens comme avec beaucoup de coureurs.

Dès le départ, fin 95, mon ami Bruno Roussel qui s'était laissé convaincre de mes compétences par Pascal Hervé que j'entraînais en marge de l'équipe, (aussi vis-à-vis du travail que j'avais fait avec Chiotti et d'autres comme Henry, Lebreton, Morin, Menthéour, etc...), m'a dit : « La préparation professionnelle et les soins ce n'est pas ton boulot, "on" sait faire, il y a les médecins et les soigneurs »... Cela tombait bien, je m'en foutais un peu de ces aspects. J'étais obnubilé par mon travail d'entraîneur. J'accédais, doux rêveur, au top.

Par contre, j'avais pour le reste carte blanche à 100% et le soutien inconditionnel de Roussel, les moyens de travailler, d'organiser à ma convenance les stages, l'équipe, les reconnaissances, de fournir cardiofréquencemètre, SRM, ordinateurs, compétences etc... Denis Riché, le diététicien, avait eu le même discours mais aussi le même soutien. Il a abandonné en 97. J'ai fait un travail formidable, novateur, moderne, créatif, en avance sur son temps, qui a été et est repris partout, c'est incroyable et édifiant. Même Ferrari a donné des conseils non sanguins à Bortolami, issus de mon travail... Armstrong a pompé plein de choses aussi ! qu'il met en valeur pour expliquer son état de grâce.

Bien entendu, au fur et à mesure, j'ai compris pourquoi on m'a dit en 97 : « Ce n'est plus le meilleur entraîneur du monde de la meilleure équipe du monde qu'il nous faut maintenant, mais le meilleur médecin ». Si je n'avais pas droit d'assister aux réunions coureurs - encadrement quand ils parlaient "soins",  j'en savais quelque chose forcément. A partir de septembre 1997, j'ai commencé à m'intéresser de plus près aux "posologies" pour information. Quand un gars te dit après deux ans où il a fait du qualitatif  : « Maintenant tu me fais chier avec tes séries, il faut évoluer. Moi maintenant si je suis à 53 d'hémato sur ma machine avec laquelle je contrôle mon taux le matin, je fais 200 bornes à bloc dont derrière le scooter avec trois pâtes de fruits et Basta ! Je récupère avec un goutte à goutte. Ça baisse à 48 et une bonne cure de Clenbutérol (NDLR : anabolisant) couplée à des hormones de croissance me donnent toute la force qui me manque à mon pédalage de dératé qui ne me fatigue plus ». 

J'en ai mesuré l'ampleur alors et depuis. Et j'ai calculé tout cela. Incroyable ! Au lieu d'entraîner des "350 Watts" qui s'épuisaient à suivre, j'entraînais des "400 watts" qui, plus ils s'entraînaient et roulaient devant, récupéraient de mieux en mieux en étant psychologiquement euphoriques.

Certains progressaient en dormant grâce à l'activité des produits et molécules ingérées le soir... D'autres consommaient 1500 Kcal par jour rien qu'à métaboliser d'autres produits. Altius, Fortius, Citius ! (plus haut, plus fort, plus vite) Les références en matière d'entraînement et d'effort pour eux ne voulaient plus rien dire du tout. Des V02 max à 96 !!! Pour des gars à 65 en octobre, vous vous rendez compte ! Sur le Cybex des progressions musculaires extraordinaires pour des plus que trentenaires ! La jouvence ! J'ai très longuement expliqué cela et bien d'autres choses à la Police après leur avoir demandé de m'entendre de moi-même en Février 99 à Montparnasse (mi-chemin entre Lille, lieu du juge Keil, et Laval où j'habite) , car ils ne souhaitaient pas m'interroger !

J'avais été presque le seul de l'équipe "non inquiété". Personne n'avait parlé de moi sur les PV concernant le dopage...  A la fin de la journée (ils pensaient ne m'entendre qu'une heure ou deux) les policiers m'ont demandé si je voulais être officiellement placé en "garde à vue" pour me "protéger"...  Virenque allait être mis en examen, un peu quand même après ma description des différents rôles des "barons" au dessus de toute forme de loi qui avaient pris le contrôle réel de l'équipe après 97. Tous ceux qui veulent connaître mon rôle dans le système peuvent se pencher sur les PV d'audition mais aussi sur mes déclarations concernant Armstrong, notamment lors du procès Festina (j'avais tout dit à l'époque, non?... et ce qui se passe actuellement le confirme).
   
Ce procès Festina où j'ai témoigné plusieurs fois, au double titre de témoin de moralité et d'expert en entraînement, (faut-il le rappeler, avec remboursement de mes frais par la justice), jamais contredit par aucun autre expert ni aucune personne, sauf un peu par un mort depuis. Certains ont la mémoire courte, ceux-là mêmes sans doute qui insinuent que j'ai pu avoir un rôle actif au sein de Festina et, bien sûr, ce sont ceux dont j'ai parlé dans mes PV.... Actif pour l'organisation de l'équipe et de l'entraînement, oh oui ! Mais pour le dopage, oh que non. Il faut savoir aussi qu'à l'époque où 100% des coureurs du Tour étaient sous EPO, mon travail et moi-même n'intéressaient personne ! Même mon avis sur le dopage n'intéressait personne ! Le "dopage" n'existait pas ! Pourtant il était à la base de tout. Des jeunes m'ont dit qu'ils avaient chialé de plaisir en voyant Brochard gagner à Loudenvielle et Festina en 97, et qu'ils n'avaient à l'époque aucun soupçon. Leur jouet a été cassé en 98 comme leur rêve.

Je m'étais ouvert à quelques journalistes amis à l'époque mais cela n'était pas d'actualité. Il faut se remettre dans ce contexte. J'estime même qu'un véritable entraîneur était et est préventif concernant le dopage dans une structure. Hélas, ils étaient et sont pour la plupart directeur sportifs. Or donc j'assume tout ce que j'ai fait chez Festina et c'est bien cela qui dérange ! De discuter encore maintenant avec certains qui se dopent et de connaître/décrire les effets de ce système gêne. De connaître et de décrire de manière experte les effets toujours présents maintenant, aussi. Je suis crédible mais à raison. Veni, vidi et sais pourquoi certains vici encore aujourd'hui.

LFR et VLC : Plusieurs coureurs impliqués dans l'affaire Festina ont réalisé depuis des performances notables (Zülle, Virenque, Moreau, Dufaux…). On aurait envie de penser qu'ils ont retenu la leçon. Vous n'êtes pas convaincu ?

A. Vayer : Quelqu'un a écrit Plus fort qu'avant (NDLR : Richard Virenque, avec J-P Vespini, édition Laffont, 2002) et Ma vérité. (NDLR : Richard Virenque, en collaboration avec C. Eclimont et Guy Caput, édition du Rocher, 1999). Deux tomes livresques modèles de sincérité, une bible de la sainte parole avec Chaque seconde compte (NDLR : Lance Armstrong, édition Albin Michel, 2003). Et puis 1+1 ça fait bien 4 dans ces livres. C'est beau. Avoir envie de penser c'est croire en Santa Klaus à Walt Disney.

Et de quelle leçon parlez vous ? Beaucoup rient sous cape et les événements de 1998, comme les contrôles, ont été des cautions à leurs tricheries postérieures. Du pain béni. Ex-dopé repenti à 60 km/h seul sur le plat au bout de 6 heures d'échappée (NDLR : victoire de Richard Virenque dans Paris-Tours 2001) et à 25 km/h sur quatre cols pendant 5 heures échappé solitaire, un effet bœuf  médiatique, non ? C'est beau aussi. Dans Apocalypse Now il y a une scène ou un soldat défoncé apprécie les flammes.

"Quand on veut, on peut..."

Cette partie de l'entrevue est disponible ici, sur le site de notre collègue de La Flamme Rouge. Vayer y parle de son idée de moratoire, de l'avenir du cyclisme et de ses détracteurs.

Extrait : "Vous savez, quand mes oreilles sifflent, c'est plutôt bon signe! Avoir tous les imbéciles contre soi, aussi (...). La plupart de mes détracteurs n'ont jamais discuté avec moi."

"Je suis heureux d'avoir décrit la vérité"

Cette partie de l'entretien est également disponible ici, sur La Flamme rouge.

 

La Flamme Rouge et Vélochronique : Antoine Vayer, vos propos sur le cyclisme peuvent paraître cyniques, acides ou provocateurs. Est-ce que vous forcez le trait pour être sûr de faire bouger les choses ?

Antoine Vayer : L'important est de regarder les choses et les gens en face et aussi de se regarder dans sa glace tous les matins en étant content. Je ne fais que décrire les faits franchement et de manière tout aussi lucide que critique. Mais pas cynique comme le sont par contre les propos de la plupart des gens du "milieu" qui mentent avec de plus en plus d'aplomb pour certains.  Ils en sont à un point tel qu'ils croient en leur propre mensonge : le top de la mythomanie! Je m'exprime avec une certaine ironie humoristique, je l'admets. Mais travailler avec des illustrations de Luz (Charlie Hebdo) comme je l'ai fait pour éclairer les articles c'est tentant. C'est tout de même désopilant de sérieux tellement c'est vrai si c'est dessiné ainsi en quelques coups de crayons et dit en quelques mots forts et choisis.

La franchise simple de la vérité a toujours engendré la haine. Ce n'est pas de la provocation, c'est un miroir. Un journaliste m'a dit en 2002 : « Armstrong et Verbruggen, c'est notre fond de commerce, mais ton genre de chroniques, c'est ce qu'on lit le matin au lever préférentiellement, même si tu fais donneur de leçons. Seulement on va dans les toilettes pour ça afin que les autres ne le sachent pas. Ils te demandent le journal ensuite » .Si les côtés vils du dopage se traduisent dans le regard (celui d'un professeur d'Education Physique et Sportive et d'Entraîneur) que je porte à certains aspects de ce sport de haut niveau, c'est surtout parce qu'il sont dans ce sport regardé. C'est si facile en ouvrant les yeux. Le noyau dopage et ses électrons mensonge/tricherie/hypocrisie transpirent à grosses gouttes sur le front et le crâne du cyclisme de "haut niveau". Comme Saint Thomas, je dis ce que je vois après en outre avoir goûté à cette sueur acide qui sort de tous les pores du  visage que nous offre un certain cyclisme.

Point n'est besoin de forcer le trait tellement ce milieu est caricatural et "limité" par moments, imprégné aussi par cette "culture" de bêtise biologique. Pas intellectuelle, ça c'est sûr. Je l'explique très simplement, en français dans le texte comme je l'ai fait en tant que chroniqueur. Pour les journaux Le Monde en 1999, où c'est Michel Dalloni - maintenant actuel directeur de la publication du journal L'Equipe - qui était chef des sports et qui m'avait appelé pour ce faire. Pour L'Humanité en 2001, Libération en 2003 et 2004.  Je suis heureux d'avoir décrit la vérité dans ces journaux. Comme Foglia au Québec d'où j'ai suivi le Tour cette année s'est mis à la faire par moments. Il y a tant de figures granguignolesques dans le vélo de "haut niveau". Certains deviennent même commentateurs et la boucle se boucle et la ferme. Parfait !

Je décris simplement ce milieu où, autour de coureurs dont certains sont limités, pas mal de "putains du dopage" (en pesant les mots) se partagent les rôles et le gâteau à bien des échelons, parce que c'est le socle ancestral de leur métier, de leur réussite et de leur reconnaissance. Ils imposent donc l'omerta et si cela ne suffit pas, en viennent à la camora (NDLR : mafia napolitaine). Evidemment, dire « que pour certains cyclistes qui meurent, c'est une pharmacie qui brûle » en plein congrès international comme je l'ai fait, cela en fait hurler quelques-uns. Mais les évènements les ont calmés au point où ils me donnent maintenant raison !

Le dopage est bien plus une mentalité d'une relative petite bande de complices qui utilisent les ignorants, même diplômés ou chefs d'entreprise ou politiques, qu'une réalité parfois. Le syndrome de Peter où chacun est amené à son plus haut niveau d'incompétence pour éviter de placer l'individu, le sportif, au centre des préoccupations est prégnant dans le cyclisme de haut niveau. Et chacun à sa place ne lâche rien, c'est extrêmement bien organisé, huilé, connivent.

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