Déclaration à mon vélo

J'aime mon vélo.
Et je suis à peu près convaincu que lui aussi m'aime bien.
De toutes façons, il me suffit de penser que mon vélo m'aime pour que cette seule vérité emplisse le cosmos et fasse vibrer l'immensité universelle : mon vélo, il m'aime !

Quand je parle de mon vélo, je veux parler bien sûr de mon vélo de route, mon vélo de course. Enfin, je dis bien sûr. Pour moi, c'est naturel, c'est vrai ; mais ce n'est pas du racisme contre les autres vélos, n'est-ce pas. Et d'ailleurs, tous mes autres vélos, je les aime aussi, et ils m'aiment aussi ; mais pas pareil.

Mon vélo de route, lui, je l'aime d'une manière spéciale.

Et encore, je dis mon vélo de route, mais après tout, j'en ai plusieurs. Je veux parler de MON vélo de route, celui qui dort tout près de moi, contre la bibliothèque. Celui qui mange avec moi, et qui empêche tout le monde de passer dans le couloir, plus efficace et moins bruyant qu'un chien de garde.

Je veux parler de celui qui partage des dizaines d'heures avec moi, tout seul avec moi, lui dessous et moi dessus, sous le soleil ou dans le froid, seul avec moi, lui et moi, moi et lui.

Lui, il voit mes souffrances, il voit mes griseries. Il est mon compagnon fidèle et personne n'a le droit de l'enfourcher, sous peine de crise cardiaque immédiate de ma part.

Il a l'élégance que je lui trouve : pleine et absolue. Une élégance sans avant ni après, sans limite ni restriction. La seule pensée de son élégance est gonflée de volupté.

Je pars en voyage, avec lui forcément. Ensemble, on ira consommer notre mariage sur d'autres routes.

Pour dix jours, lui et moi, on s'en va. Comme pour une nouvelle lune de miel.
Pour dix jours, lui et moi, nous sommes absents.
Nous invitons tous les cyclistes et leurs vélos à faire de même.

Bonne route et roulez droit.

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