La grande inquisition (1)

Paco et les hommes en blanc

Les hommes en blanc étaient arrivés dans la ville un peu avant l'aube. Quelques vieilles dames, levées avant tout le monde, les avaient vus avancer à pied dans les rues. Elles avaient rajusté leurs robes de chambre, tiré leurs rideaux, tourné les verrous. L'une d'elles, une petite bonne femme au visage anguleux, s'était précipitée sur son téléphone après les avoir aperçus à l'angle de sa rue. Les palpitations la secouaient au rythme de la tonalité - on ne décrochait pas. Ce serait trop tard.

A un vol de pinson, les hommes en blanc venaient de s'engouffrer dans un immeuble grand luxe. Ils étaient sur le palier du premier étage. Derrière la porte de l'appartement, un téléphone sonnait. Ils fracassèrent la porte et investirent le hall d'entrée. Ils s'emparèrent de Francisco, encore ensommeillé dans son pyjama blanc-bleu, qui venait de décrocher le combiné. Pris de terreur, il n'opposa aucune résistance. Au bout du fil, la petite vieille entendit la milice qui embarquait Francisco. Elle lâche un juron, se garda de pleurer. C'était trop tard. Le petit « Paco » venait à son tour d'être emmené. La veille, José-Enrique avait été arrêté dans les mêmes circonstances.

La lourde porte s'entrouvrit. C'était la dernière cellule, tout au bout du corridor. Toutes les autres étaient pleines de détenus. Au fond du cachot, José-Enrique et Santiago accueillirent Francisco avec un grognement de désarroi. Ils étaient amaigris, mal rasés, étaient couverts d'hématomes. La tête dodelinante, le regard chagrin, le petit Paco se laissa envahir par le désespoir. Il pressentait son sort.

Vers midi, on vint chercher Floyd, qui était enfermé dans la troisième cellule. Les hommes en blanc l'emmenèrent dans la salle du Docteur Lamborghini. C'était une salle voûtée (pierres et poutres apparentes), fraîche et humide, faiblement éclairée. De longues étagères surchargées de bocaux, de boîtes et de piles de dossiers parcouraient les murs. De vieux buffets de cuisine reconvertis étaient installés au fond. Des appareils et des mécanismes sophistiqués à usage douteux s'entassaient çà et là. Au centre de la pièce une épaisse table en bois était rivée au dallage. Floyd y fut solidement sanglé, après avoir été dépouillé de ses habits.

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