La grande inquisition (3)

Un jour, Miguel aussi, et puis Lance

Francisco savait que le Dr Lamborghini l'attendait dans sa salle de torture. Et il n'y avait que très peu d'échecs. Seul Lance constituait un cas hors norme. Il restait d'ailleurs le seul à avoir été arrêté plusieurs fois et relâché chaque fois sans qu'on obtînt d'aveux.

Dans la cellule à côté, Raimondas concentrait ses dernières ressources dans une lutte acharnée. On racontait qu'il avait prodigué ses conseils à d'anciens camarades de cachot, comme Gilberto, et Franck. Plus stable, plus hermétique que Richard qui, en son temps, avait aussi fini par lâcher le morceau, Raimondas semblait pouvoir résister immuablement. Mais l'édifice s'écroulerait, le Dr Lamborghini l'avait juré. De toutes façons, il n'était en soi qu'un cas peu intéressant.

Le vieux rêve du Dr Lamborghini était d'allonger Miguel sur sa table. C'était une question de temps, disait-il. Un jour, la milice aurait un mandat pour aller le chercher, lui aussi ; et lui aussi il avouerait tout sous ses odieuses tortures. Il savait exactement quels supplices il lui réserverait. Toutefois, l'exemple de Lance amenait des doutes dans son esprit ; il redoutait que Miguel, comme Bernard ou Eddy, appartienne à une classe d'hommes exceptionnels capables de résister à ses châtiments plus que la nature ne le permet ordinairement.

Combien de fois lui avait-on amené Lance ? Combien de fois celui-ci avait-il souri sous ses tortures variées et innommables ? Chaque arrestation était prometteuse. Chaque séance de torture décourageait la milice, le Dr Lamborghini et le grand patron Dick. Le coup des corticoïdes, celui de l'Actovegin, les confidences des anciens proches, le livre des journalistes, l'analyse rétrospective d'échantillons congelés… Un cortège de stratégies puissamment ficelées, et au résultat : un homme libre et goguenard.

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