La grande inquisition (4)

Tout pour Jan et Ivan

On avait longtemps pensé que les élites étaient protégées. Etrangement, les citoyens de modeste notoriété avaient fourni, pendant de longues années, presque cent pour cent du {contingent} des « raflés ». Ce n'était plus vrai. Qu'il y eût, jusque-là, des passe-droits, on aurait pu légitimement le soupçonner. Etaient-ils dorénavant abolis ? Désormais la Grande Inquisition menaçait chacun. Parmi les détenus, on trouvait de plus en plus de célébrités.

On ne rechignait pas à les brusquer. Bientôt, c'est même les plus fameux qui eurent à souffrir le plus durement du régime de la Nouvelle Terreur. On ne leur octroyait certainement pas le moindre pardon. L'esprit populaire ne tarda pas à faire des raccourcis simplistes : les notables étaient d'autant moins excusables qu'ils avaient été au faîte de la gloire. Cela tournait au bénéfice des détenus anonymes qui, à leur libération, passaient inaperçus…

Le plus fameux d'entre tous restait néanmoins indéboulonnable. Lance s'était préservé du déshonneur total. Raflé maintes fois, libéré chaque fois, faute de preuves et d'aveux.

Jan et Ivan n'avaient pas eu cette chance. Un matin, quelques temps avant Francisco, on vint les chercher - ce fut le commencement d'un long cauchemar. Même si le Dr Lamborghini avait été finalement contraint de les relâcher avant d'obtenir des aveux, l'évidence morale demeurait - contre eux. Dans ce scandale, leur notoriété s'était retournée contre eux. Car que dire des quelque soixante autres raflés ? C'était le plus gros coup de filet ! et on ne retenait qu'Ivan et Jan. Rien, rien pour les autres ! Tout pour Jan et Ivan. A la rigueur, Francisco (et peut-être Santiago, et Joseba dans une moindre mesure ?) était tombé en disgrâce. Mais les autres ? Leur détention était ignorée. Celle de Jan et celle d'Ivan faisaient les choux gras.

Leur libération n'y changea pas grand-chose. Surtout pour Jan.

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