La grande inquisition (5)

La nouvelle était tombée sans grande surprise. Paolo avait été élu {citoyen de l'année}. Alejandro avait été pressenti aussi.

La belle affaire !

Voilà deux hommes éminemment sympathiques. Qu'y aurait-on trouvé à redire ? Du reste, ni l'un ni l'autre n'avaient jamais été inquiétés. Pas de scandale, pas vraiment de rumeur très compromettante. Des doutes, parfois, nécessairement. Ils n'avaient jamais été interpellés par l'équipe du Dr Lamborghini.

Alors ?

Et Floyd ? Et Floyd qui était au cachot ? Avant son arrestation, il réunissait tous les critères requis à son élection au titre de citoyen de l'année. Depuis sa mise en taule, l'indécence de sa nomination aurait secoué les esprits. Mais certains étaient favorables à ce cynisme : si Paolo ou Alejandro, aussi sympathiques fussent-ils, étaient en liberté, ce n'était jamais qu'une question de temps ou de bonne étoile. Alors ? Alors, dans cette sorte de circonstances, Floyd méritait le trophée 2006 autant qu'eux.

D'autant qu'on ne pouvait lui retirer cet atout : sympathique, il l'était. Et cela en dépit de ses nombreux mensonges qui avaient détérioré son image de marque. Paolo aussi aurait probablement conçu d'invraisemblables bobards dans des circonstances similaires. L'accusation publique génère une attitude défensive désespérée confinant au burlesque. Alejandro aurait fait appel à un avocat sensationnel spécialisé dans les causes indéfendables. (Il y a de ces experts géniaux qui flairent les vices de procédure, les flous juridiques et autres astuces). Paolo aurait invoqué des thèses absurdes et désopilantes pour démolir l'accusation.

Pour l'heure, Floyd n'avait toujours pas fait d'aveux au Dr Lamborghini. Tout l'accablait pourtant. La Grande Inquisition ne ferait pas l'économie de sa condamnation. (Toutefois il se murmurait ces derniers temps qu'un vide juridique lui profiterait…) Et c'étaient pourtant bien des inquisiteurs, aussi, ceux qui affirmaient que Floyd aurait dû être le légitime citoyen de l'année. En creux, c'était la vacuité de cette élection que ces inquisiteurs cherchaient à démontrer.