Vivement la vallée

Ça pédalait dur, ça pédalait sec, tous devant et moi derrière, sans que je comprenne vraiment pourquoi. C'est vrai, enfin : mais de quelle auguste manière étaient-ils toutes et tous, gracieusement et insolemment, passés devant moi, sans effort (de leur part), quand moi je suais comme un bouc pour les garder dans l'œil ? Ce qui fut rude, crois-moi, puisqu'en deux ou trois virages bien sentis, mon œil ne m'offrit plus que les crêtes, les aigles, les veaux dans les vaux pour seul panorama ; mais de cycliste point. Tous loin devant, moi derrière. Au nom de quoi, mais dis-moi enfin, au nom de quoi, se sont-il permis ce luxe, sur leurs bécanes pourries, avec leurs dégaines défraîchies, leurs mines glauques et verdâtres et leurs panses vaillamment rebondies, de me planter là et me faire passer pour un freluquet chétif ?

Quoi ? JE NE SUIS PAS un freluquet chétif !

Ils m'ont planté là, au beau milieu de la solitude. J'ai bien forcé, mais je n'avais plus d'efficacité, jeté à tombeau ouvert, dans mes virages en descente. Ça pédalait à vide. Quant à eux, là-bas devant, ça pédalait dur.

Eh ben alors ? Si ça les amuse. Quoi ? Ce n'est pas une question de mauvaise humeur, c'est question de principe. Je rumine, ça m'occupe, quand je serre les dents, ça me fait passer le mal aux mâchoires. Surtout dans les descentes. J'ai fort mal aux mâchoires dans les longues descentes. Vivement la vallée.

Écrire commentaire

Commentaires: 0