L'insoutenable hésitation d'Armstrong

Lance faisait les cent pas dans son salon panoramique. Il s’arrêtait parfois, s’étirait, donnait un peu du poing dans le punching-ball à l’effigie d’Ullrich (un cadeau, mais de qui déjà ? du président ? du gouverneur ? de Verbruggen ? Il ne s’en souvenait plus vraiment), puis reprenait sa marche domestique en soupirant. Depuis quelques temps, il sentait poindre d’invraisemblables tentations : une viennoiserie, un Coca même pas light, une barquette de McCain (les frites), et même dormir. Des jours, il n’avait même pas l’occasion d’être méchant. Il avait la menace molle ces temps-ci. Car enfin, il fallait se rendre à l’évidence : Lance s’ennuyait !

Lance reprit sa marche en sens inverse, et cherchait une occupation, le teint maussade. Il était un peu lassé d’écrire des lettres d’injures et de menaces à LeMond ou à Ballester. D’ailleurs, il ne savait même plus pour quels motifs il les harcelait. Les coups de fils anonymes à Simeoni, ça ne l’amusait plus. Pas de gros marathons en perspective pour se défouler. Un resto avec ses banquiers ? Bah ! Il connaissait sa fortune par cœur, au dollar près. Il avisa le courrier, posé en masse sur le guéridon ; il reconnut les lettres de sollicitation de ce journaliste français, qui le poursuivait de ses déclarations déchaînées, ce Jon-Reuney Godââ’ - l’espace d’un instant, il hésita. Oui, Lance hésita à répondre, à convenir d’un rendez-vous. Pour tuer le temps, pour rompre la monotonie.

 

 

Il se ravisa, comme commotionné. Sa propre hésitation le saisit d’effroi. Lance fut pris de palpitations, il se mit à suer, et pour expulser l’angoisse qu’avait provoquée la prise de conscience de sa terrifiante hésitation, il martela frénétiquement le punching-ball. Dans quelle sorte de mortel ennui avait-il sombré pour avoir hésité… pour avoir songé au suicide par un rendez-vous avec Jon-Reuney Godââ’ - car c’est bien d’un suicide nerveux qu’il s’agissait. Aussi, Lance ne voyait pas d’autre solution pour se guérir de la routine. L’ennui lui pesait. Depuis sa retraite sportive, en 2005, il fallait bien être lucide, il avait perdu quelque chose, comme un sixième sens qui lui faisait défaut à présent. Lance voulait maintenant retrouver ces sensations…

 

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