Sprint de boulevard... interrompu

Par Lothar.

 

J'étais en train de charger mes commissions végétariennes de la semaine dans la remorque de mon vélocipède, sur le parking d'un grand supermarché discount de ma cité. Quelques œillades à la bicyclette de l'apprenti-boulanger. Une fort belle machine en vérité. Un bref salut audit apprenti à travers la vitrine, lequel apprenti avait observé mes regards séduits. Seul un événement très fortement perturbateur pouvait détourner mon attention, à ce moment très précis, et interrompre mes subtiles avances. Une autre bicyclette ; montée d'un autre bicycliste. Mais pas n'importe quelle bicyclette, ni n'importe quel bicycliste. La première traînait derrière elle un insupportable flip-flip sur le boulevard devant moi, et portait sur sa selle le second (le bicycliste, donc - lequel était de mes amis le plus inattendu à ce moment très précis).

Le responsable de cet odieux flip-flip, capable de doubler les autos du boulevard à soixante à l'heure, le ventre ballottant (ventre qu'il eut ferme naguère) et le pneu arrière parfaitement à plat, tel Olano à Duitama, ne pouvait qu'être (reconnaissable au premier coup d'œil de ma part) mon infréquentable et cyclothymique chroniqueur d'ami. Disparu de la circulation pourtant. Soudain réapparu ; il n'entendit pas mes appels, ou les ignora, si bien que je dus enfourcher ma bécane et partir à sa poursuite - un bref salut encore à travers la vitrine. Mais les commissions végétariennes de la semaine ajoutées à la remorque trahissaient mes talents pourtant reconnus de sprinteur de boulevard. Il ne fut qu'un point de mire inapprochable, lorsqu'un fourgon de convoyeurs de fonds devant moi profita d'un feu rouge pour un brin de causette avec une mini Austin ; un feu rouge d'ordinaire ne pourrait pas me freiner en cas de nécessité absolue (c'était bien une situation d'urgence), mais un fourgon de convoyeurs de fonds stationnant à côté d'une mini Austin, si : mon vélocipède et moi nous immisçâmes sans heurt entre les deux, mais la remorque, non.

Je fus semé. J'aurais bien pu délester ma bécane de la remorque mais j'appris que les convoyeurs de fonds disposaient d'arguments convaincants, au nombre de trois : un calibre par convoyeur. Mais qu'est-ce qui avait bien pu remettre mon chroniqueur d'ami en circulation ? Je n'avais fait que l'entrapercevoir, mais il ne m'avait pas échappé que sa pédalée, certes contrariée par un pneu plat, n'était pas tout à fait conforme à la fluide cadence que je lui connus. Pour ainsi dire, je crus bon de conclure que mon ami était vraisemblablement en état de transe. J'avais désormais cela à résoudre, une fois que j'aurais convaincu mes nouveaux amis convoyeurs de fonds de mon absence de mauvaises intentions…

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