Esthétique de la partie de vélo (avec un authentique ami)

Je veux témoigner ici de l'insoupçonnable bienfait d'une d'initiative dont nous devrions, bien plus souvent, être tous familiers : je veux parler de la partie de vélo avec son authentique ami.

Vous avez besoin pour cela d'un authentique ami avant toute chose ; d'un vélo en second lieu. La réciproque est globalement un décevant échec. J'en connais qui, ayant la bicyclette, partirent en quête d'un ami pour en faire un compagnon de route, afin de goûter aux joies de l'initiative ici glorifiée. Déception, déception, dé-cep-tion. Trouver un efficace compagnon de route (j'entends par là : compagnon de bitume), même aimable, avenant, sympathique, serviable, n'est certes pas en soi mission impossible. C'est même assez aisé. En effet, les cyclistes peuvent être doués en camaraderie. Mais trouver un efficace compagnon de route (j'entends cette fois : compagnon pour la vie), un ami authentique avec lequel vous mettrez en partage vos sentiments respectifs, vos bonheurs et vos malheurs, votre âme même d'ami, sans équivoque sournoise et en faisant fi des médisances, c'est là une aventure excessivement difficile - souvent une vie n'y suffit pas.

Alors, pensez donc, être cycliste et trouver un individu qui soit ami et cycliste à la fois ! Non, vraiment, mieux vaut être d'abord doté d'un ami véritable, et choisir son vélo ensuite, que l'inverse. Un ami de vie se trouve bien plus difficilement, même dans un salon du vélo ou chez un concessionnaire Bianchi.

Mon improbable camarade Lothar vous a déjà raconté comment il m'a persuadé de faire du vélo avec lui dernièrement. Il y a fort longtemps que je n'avais pas roulé avec un camarade, voire un ami. Lothar fait partie d'une espèce énigmatique d'individus, fantomatiques et caractériels à la fois, qui font office d'anges gardiens, non pas par leur amitié propre, mais en entretenant ou en provoquant celle des autres autour d'eux. C'est ainsi que Lothar remet mon  cycliste de meilleur ami en travers de ma route dans les moments opportuns. Puis s'efface, en bon ange gardien. Drôle d'espèce en vérité : ange gardien d'une paire d'amis. Dieu païen de l'amitié.

Après m'avoir rejoint à Trets (mais était-ce le rêve de ma sieste, tout cela, ou l'avons-nous vraiment vécu?), Lothar m'a emmené et j'ai emmené Lothar : une jolie mais pluvieuse partie de vélo. Télépathe ou pas ? Par son mystérieux pouvoir de suggestion (ou d'immixtion dans les rêves ? Non vraiment, je ne sais plus si tout cela est vécu, j'étais dernièrement dans une situation de transe post-dépressive), sans avoir vraiment rien dit, je ne sais pas bien, il m'a enduit de l'irrésistible désir de renouer avec le vélo amico-fusionnel. Comme hypnotisé, j'ai résolument décidé de refaire de la bicyclette avec mon compagnon de route de toujours. Je me rappelle ces dimanches interminablement éternels et les retours venteux au Ventoux. Ces soirées de printemps après le travail pour des petits chronos sous l'aqueduc de Roquefavour. Ces reprises ambitieuses et douloureuses qui m'empêchaient de dormir la nuit suivante. Ou ces cyclosportives qui m'empêchaient de dormir la nuit d'avant.

Rentré chez moi, comme hypnotisé, j'ai téléphoné…

Écrire commentaire

Commentaires: 0