Armstrong chatouille Cancellara

Une poignée de millièmes de secondes, repêchés dans les temps enregistrés lors des chronos individuels (en l'occurrence la première étape à Monaco) ont départagé Cancellara et Armstrong au classement général à la sortie d'un contre-la-montre par équipes inhabituellement court (39km) mais peu propice à l'exercice (virages techniques et routes étroites notamment) ; au profit du Suisse.

Les 40 secondes perdues par l'Américain à Monaco ont été épongées, à un dixième près, par une équipe Astana parfaitement unie dans une esthétique à couper le souffle. Mais pour ce misérable pet de chronomètre, le maillot jaune échappe à Armstrong. Et à une bordure près, à Contador, qui serait en-haut de l'affiche sans l'épisode camarguais de lundi.

Les longs relais d'Armstrong, qui enroulait un braquet supérieur encore à ses équipiers, ont certes démontré sa motivation et l'état indiscutable de sa puissance. Intacte? Point. Sa prestation de Monaco (10e), pour bonne qu'elle fût, suffit à prouver qu'il revient moins fort qu'avant ; encore heureux. La montagne est le seul juge capable d'en dire davantage sur ses possibilités dans ce Tour.

Et c'est bien ce que se disait à lui-même Cadel Evans sur les routes du chrono, repensant à ses occasions ratées de gagner le Tour. Une progression fulgurante sur la route, depuis sa jolie 8e place en 2005, sa prometteuse 5e place l'année suivante (4e si on disqualifie Landis) avant de se ranger parmi les prétendants en 2007 (dauphin de Contador), profitant de l'après-Armstrong mais ratant le coche en 2008 (dauphin de Sastre) malgré son statut de co-favori (avec Valverde). Et tandis que sa très modeste équipe Lotto prenait l'eau dans le contre-la-montre, dissolvant mètre après mètre ses ambitions (il se retrouve 35e à 2'59 de Cancellara), Evans se laissait murmurer à l'oreille d'étranges souvenirs.

Autour de lui s'approche le public de Melun. Mais ce n'est pas lui qu'on vient voir. Les spectateurs guettent le maillot jaune. Il y en a qui disent qu'il ne le gardera pas. Evans se rappelle assez clairement le nom qu'on suggère : Bracke. Ferdinand de son prénom ; rouleur émérite. Lui seul, d'après certains qui prennent des airs inspirés, peut renverser la situation sur les 55km contre la montre. Même s'il n'est que 7e à 1'56 de Van Springel. Qui sinon? Quoi qu'il en soit, sauf si Aimar réalise l'impossible (le vainqueur du Tour 1966 est 6e à 1'38), le vainqueur de ce Tour 1968 sera un inattendu. Un coup unique. Personnellement, Evans, lui, pense à Janssen, qui n'est que 3e à 16 secondes. Il l'a vu, lunettes noires sur le nez, très concentré et sûr de lui. Il va croquer Van Springel et ce San Miguel.

Bracke n'y pourra rien. Et ce pauvre Van Springel lui a semblé tétanisé par l'enjeu. Dommage. Car il l'aime plutôt bien, avec ses airs de Droopy. Et il a raison. Janssen va mettre tout le monde d'accord, pour cette dernière étape. Mais la route défile, et ses équipiers décidément sont le boulet d'Evans. Une lueur fugace, comme à chaque fois, l'interrompt dans ses souvenirs bien saugrenus. C'est à son tour de prendre un relais. Il lui faut trois secondes supplémentaires pour rassembler ses esprits. Et en appuyant son relais avec un brin de perplexité, l'Australien commence à se demander d'où peuvent lui venir cette mémoire qui ne lui appartient pas. Ce n'est pas la première fois. D'où lui viennent ces noms, Bracke, Van Springel, Janssen, qu'il ne connaît pas? Le stress, sans doute, qui lui tape sur le système...

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