Vie et mort de Marco Pantani - Philippe Brunel

Le 14 février 2004 un homme est retrouvé mort dans une chambre de la Résidence Le Rose, un hôtel de Rimini. Sa chambre est dévastée, le passage est obstrué, et le corps gît au bas du lit, deux boules de cocaïne près de la bouche. C’est l’ambiance d’un thriller, et l’amorce d’une enquête glauque pour élucider la mort d’un toxicomane dans une cité investie par les dealers.

 

C’est l’ambiance d’un thriller mais l’histoire vraie d’un défunt qui n’est pas n’importe lequel, dans cette chambre de Rimini. C’est au décès d’un homme de réputation mondiale que le juge Gengarelli est confronté ce soir de Saint-Valentin, et il va lui falloir tenir la barre dans ce qui pourrait devenir l’affaire Pantani. Marco Pantani, du nom de ce champion cycliste ultra-célèbre, au crâne rasé et aux allures de pirate, reconnu comme l’un des tout meilleurs grimpeurs du sport où il a excellé (vainqueur du Giro et du Tour de France en 1998) avant de déchoir le 5 juin 1999 à Madonna di Campiglio, lieu d’un contrôle sanguin non satisfaisant, début d’une descente aux enfers.


Officiellement, l’histoire vraie de Marco Pantani le déclare d'abord mort d’une surdose de cocaïne.

Mais il y a l’histoire vraie et les passions. Celles que suscitent la vie et la mort d’un personnage hors normes, dont la vie publique – et par là, privée – est passée de la gloire à la déchéance en dix ans de temps.

Il y a l’histoire vraie et les doutes. Les doutes que ménagent l’enquête et l’instruction sur la mort trouble de Pantani.


C’est avec ces trois éléments (les résultats de l’enquête, les passions, les doutes) que Philippe Brunel a dû composer pour élucider la disparition du champion, la disparition de l’homme, la disparition de l’idole, la disparition du paria. Le journaliste revient sur le destin de Pantani, non pas pour faire de lui une biographie, ni une dithyrambe, mais pour réaliser une contre-enquête. C'est-à-dire une œuvre rassemblée à la fois autour du 14 février 2004 et de la vie médiatique et privée de Pantani, pour en élucider la fin tragique. Une œuvre qui voudrait résoudre le mystère de sa mort. Et qui n’y parvient pas.



Car mystère il y a. À plusieurs étages et à divers égards, le mystère entoure cette mort, qu’elle soit due ou non à cette surdose de cocaïne, que Pantani ait été assassiné ou pas. Car c’est bien de cela qu’il est question : sans (vouloir) convaincre que la mort accidentelle de Pantani est en fait un homicide, le livre de Brunel autorise le doute, permet une interrogation, s’engouffre dans les failles d’une enquête qui aurait été vite bouclée et pas très solide.


De nombreuses questions surgissent, des témoignages se contredisent, des faits troublants, des indices négligés, et surtout un vide temporel : de dix heures à vingt heures, ce 14 février, un néant où la clé de l’énigme se dissimulerait. Brunel refait son enquête. Mais cette fois, l’auteur nous livre une enquête humaine et intime, qui sonde la vie de Pantani et interroge son passé. Persuadé que la mort du champion ne se résout pas nécessairement dans ses derniers jours ou ses derniers mois, l’auteur fouille la chronologie, la personnalité, les relations humaines…


L’œuvre est littéraire, à mi-chemin entre le roman policier et le journal d’un homme, troublé lui-même par ses rapports au sujet. La contre-enquête devient intime, se resserre, se densifie, pour faire apparaître une dimension humaine inattendue.

 

Le livre est écrit comme l’aurait été un bon roman. La linéarité redoutée n’y existe pas. Le livre s’ouvre sur la découverte du corps et retrace l’enquête, reconstitue les derniers mois de Pantani à la lumière des années qui précèdent, pour revenir – contradictions, coïncidences, incohérences et interrogations soulevées – aux heures qui précèdent la découverte du corps. 


Un constat : manquent dix heures pour boucler la boucle. Un néant face aux certitudes du juge. Un néant ouvert aux dealers, aux mafias, aux trafics obscurs, aux complots. Et une autre question, pas anodine non plus, (re)soulevée par cette enquête : n’y a-t-il pas, aussi, quelque chose à élucider dans l’affaire de Madonna di Campiglio ?




Vie et mort de Marco Pantani

Auteur : Philippe Brunel

Editions Grasset & Fasquelle

Parution : 2007

Prix public (2015) : 19,90 euros



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